mercredi 7 novembre 2007

Scories de mer

Ce jour-là, il pleuvait et les pavés de la ville basse, humides, sentaient l’océan que nous avions laissé derrière nous, au bord des terres à oyats, mat et plombé par le mauvais temps. Les pavés luisaient dans le jour gris, aux abords de cette première après-midi d’été, humide. A la porte, pêle-mêle, se trouvaient des trophées de mer, au milieu des sandales de cuir et des sabots de bois brut : bulles et nappes de goudron fuelés, filets et algues séchées, plastiques brisés et désintégrés, verres polis et dépolis, bois flottés et menus objets. Lourds de la pluie et du vent salés, nos habits de fête tombaient en loques et les mailles relâchées de nos pulls de coton s’élargissaient encore et nous entraînaient jusqu’au sol qui, épuisé par les senteurs marines flottant à nos alentours, tanguait sous nos pas et nous recevait, las de tant de sable accumulé sous nos semelles usées. C’est alors que le monde se renversait sous nos paupières fermées. A travers elles, transparentes et veinées, se dessinait tout un univers, tout un réseau végétal de branches d’arbres en fleurs, brillantes, éclairées de l’intérieur, par intermittence, lucioles vives et mouvantes qui d’un segment de branche à un autre se déplaçaient sans discontinuité, transformant les gouttes de pluie chaudes du jour en autant de points phosphorescents à glisser sous nos yeux ouverts-fermés, sémaphores en alerte scannant au millimètre près les littoraux et leur jonchée de deuil, à une encablure de ville. Demain il fera beau. Dans le soir tombant, nous irons là-bas, baignés dans l’air chaud, sur le littoral lavé, peut-être, de ses scories de mer, poudrée.

Années 70-80


Photographie de mhaleph

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