jeudi 8 novembre 2007

Brûlante neige

Dans la vaste pièce beige, toutes les lampes projettent leurs feux dorés sur les larges vitres de la haute fenêtre à espagnolette de fer. Froid, lorsqu’on la soulève le matin, en été. Il fait nuit. Au ciel, brillent les étoiles qui, de brumes stellaires, noient la grande pièce à vivre. Les persiennes de bois, écaillées, ravagées par les acides atmosphériques de la ville rebelle qui se terre derrière ses murs cette nuit, vivent ce soir de toutes leurs écorchures, gémissent et claquent au vent du sud qui se lève, à travers les vitres sablées où lentement se dessinent des formes. Formes massives de bois mat et sombre qui s’enracinent dans le plancher, rude. Un bruit de tissu froissé, continu, exténue la nuit qui s’affaisse. Dehors, lente et monotone, tombe la neige d’été, chaude et crissante, qui fait comme un linceul de givre gris à la ville endormie. Pas un nuage au ciel. Cuisante, la neige tombe. Imperceptiblement, voile les toits qui s’estompent. Brûlent les mains qui la suivent du doigt. Grésille sur le tissu des parapluies ouverts en corolles rouges, jaunes et bleues le long des rues, soudain peuplées de tous les dormeurs éveillés qui, eux aussi, ont entendu l’étrange bruit incandescent de la neige furtive. Regards alternativement levés au firmament, d’entre eux la plupart fuit, vite, sans un murmure, sans un regard, sans un regret, sans un au revoir. Sans savoir. Les autres, sous un arc-en-ciel de toile que penser ne savent, que dire s’interrogent. Déconcertés. Incrédules. Ils sont. Ils restent. Peureux, aussi. Conscients que la terre se consume sous leur pas. Que penser ? Est-ce la nuit ? Est-ce le jour ? La nuit va-t-elle se coucher et le jour se lever ? Nul ne sait, mais tous devinent. Le froid tombe sur la terre, sous une brûlante neige.

Années 70-80


Photographie de mhaleph

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